lundi 28 juillet 2008

GESTES DU JOUR (3)


La pente, ce n’est jamais qu’un plan qui tangue,
tantôt vers le haut, tantôt vers le bas.
C’est bien pourquoi – je monte les rues qui descendent,
comme je dévale celles qui grimpent – le sommet n’est qu’illusoire.
Et mes pas m’entraînent où la vie fait le tango ;
ganchos et boleos, colgadas et sauts ; la vie s’improvise
au gré de l’inclinaison du corps
par rapport à l’horizon. L’horizon
qui se décline selon ta vue,
dans les limites
des contours
de ta chorégraphie
pensante –
chaque pas
soulève de la poussière :
c’est ainsi que tangue
le temps.

La mémoire des villes
sourd
de la pierre,
comme un jaillissement
reclus
dans son silence.
J’ai pesé sur mon ombre
autant qu’il est possible,
et des esquilles
se sont plantées dans mon miroir.
La ville, par son squelette,
fait un bruit de charpentes
crissant
sur la chaussée
où beuglent
tous les encom-
brements.
C’est l’intestin qui stase,
les boyaux qui s’embarrassent,
le flux
dans les artères : stoppé !
La nuit même
retient
ce qui circule –
dans nos échos
de pierre.
Le pour, le contre,
j’ai pesé
leur devanture.

Encore combien de portes
nous faudra-t-il pousser
avant de découvrir
la bonne adresse ?
Je cherche à saisir
ce qu’il y a d’imprenable
dans le cœur de la ville ;
et je claudique de bar
en zinc,,
tel un crabe
soûlé
des effluves marines.
Les caniveaux
ne charrient plus
les miasmes d’antan :
ils se font balayer,
ainsi que les migrants, les parias, les putains –
que le bourgeois
puisse ballonner
en paix !
Je n’ai d’autre fortune
que des mots rapiécés ;
ce sont eux .
qui frappent
à votre porte.
Sachez !

Les femmes, voilées de leur mystère,
n’ont besoin de parures
que pour dire qu’elles sont nues.
J’aime ce qui se cache
dans l’éclat
de la lumière ;
ce qui se
dévêt
par les paroles obscures ;
l’affrontement des signes,
par les pleins et les déliés.
Le cliquetis
des escarpins
dans la nuit
débottée
de la ville :
petite averse
érotique,
sur le cœur
infini.

La route, il nous faudra la prendre
par un matin sans bruine ;
que nos pas se dispersent,
loin, devant les lueurs de la ville ;
qu’il y ait un autre cheminement
parallèle aux vertiges,
s’écartant des sentiers trop battus
et des terres trop civiles ;
il nous faudra la prendre,
avant que le gel nous saisisse,
que l’ankylose
s’empare de nos rides,
que les racines nous tirent
vers le néant.
Je monte l’escalier
de la Butte Montmartre ;
mon regard, déjà, s’en est allé
par delà
toutes
les
périphéries –
du monde.
Il nous faudra
l’apprendre…

Daniel LEDUC

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