lundi 4 août 2008

GESTES DU JOUR (9)


Remembrance, je me souviens de toi qui passais sur mes pas ;
je me souviens de l’ombre que faisaient tes silences ;
je me souviens du mot que tu ne prononças.
La ville, serait-elle un courant d’air ?
Une illusion permanente de ruptures ?
Un chassé-croisé de regards amblyopes ?
Un fort roulis dans un jour sans sommeil ?
Je me souviens de toi.
La foule, cet animal, traque le temps, qui se détraque ; la foule, emprisonnée dans le mouvement ; je l’entraîne dans mes pensées.
Et le soir n’est qu’un renard, qui nous attend.
J’avais perdu quelque chose sans importance, c’était un jour de pluie. Mes vieux souliers glissaient sur le bitume, on a tort de quitter sa mémoire. Je t’ai vu là perdu, la main comme une sébile, à marcher immobile. Je t’ai offert des mots, un café sans sucre, des mots, et d’autres nourritures.
Tu venais de si loin
.
La ville absorbe toutes les houles,
débarque
les équipages.
Les jours s’empilent, tu le sais bien.
Il y avait
de la pluie,
comme un grain
de beauté
sur la ville.
C’était, il y a si loin,
de toi,
je me souviens
.

Le temps fuit de la dégoulinante, le temps s’épanche.
Je lis Kerouac, et trace la route. Les villes se sont dissoutes, les artères corrodées.
J’entends Woodie Guthrie chanter Liza Jane.
Le temps s’emmêle, comme disent les matelots, le temps s’en mêle. Et je regarde filer la laine ; mes souvenirs ; mes airs d’antan.
« La ville, quand on la quitte, n’est qu’un soupir », disait un bourlingueur – dont j’ai venté le nom.

Beauté ; c’est dans l’espérance du monde que la beauté s’incarne.
Entre toi et l’ailleurs, je perçois ce qu’il y a de beau, dans la distance et la mouvance des formes ; ta peau reflète le futur dans son passé de chair ; tu es la femme qui trans-figure.
La ville domine lorsqu’elle est belle.
J’ai croisé des statues à la beauté de marbre. Je leur ai dit combien le temps n’existe pas. Mes rides, alors, se sont plissées d’effroi.
La ville souvent décrépit, par une violente architecture.
Je me promène dans la conscience de l’aube.
La ville s’ébruite, loin du silence qui parle.

De la beauté surgissent nos flammes,
au débotté, surgissent
nos larmes
sur la terre
déterrée.
Je n’ai connu la guerre
que par le souffle des images :
vision déjà suffocante.
Alors, qu'en est-il du palpable ?
Le réel appartient au lieu
dans le brusque –
qui guerroie.

Daniel LEDUC


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