samedi 2 août 2008

GESTES DU JOUR (7)


Pierre béton plâtre, où la ville s’appartient-elle, sinon dans le regard ? Les constructions nous couvent, les voies circulent dans nos pensées. Nous sommes de la chaleur qui monte des boyaux et des cryptes, des métros et des caves. De la moiteur, entre les jours, et les nuits sans escales. De la flamme qui vertige, que le souffle avive et strangule en même temps. Nous sommes du plâtre et du béton, du fer de la poussière, du silence de l’écho, du rien et du quand même. Peut être –
Je soulève
mes propres
questions /
que viens-tu faire dans ces mots
qu’y a-t-il de sang dans ton encre
pourquoi traverser les pages
les tourner comme sa langue
cette fois sans qu’elle bouge
pourquoi
s’éterniser
dans l’étincelle ?
Que veux-tu donc
qui soit exprimé –


Toi mon frère, qui viens de quitter la surface ; pour ensemencer la terre, encore ;
toi qui traces ton île, par tes lèvres ouvertes ;
je te serre contre mes propres mots.
La mort, ce n’est pas l’heure,
mais la houle.
Un leurre
qui nous sait part.
(Pour Aimé Césaire, ce vendredi triste, du 18 avril 2008)

Le seuil s’affranchit des frontières ; il est ce qu’il entre ; ce qu’il sort du ventre, et de la nuit.
Je t’ai vue naître au seuil du jour, toi ma pensée plus qu’érotique ; bandaison dont les fruits sont des grappes, qui s’agrippent aux cuisses de la vigne ; de cette vie qui mouille aux rives de ta peau ; nénuphar seras-tu, lorsque éjaculeront mes traits ; saillies pour te fendre, au plus profond du cœur ; là où tu sécrètes, ce qui te clandestine ; pensée aussi secrète, que féconder la fleur ; dans l’antre du désir.
Le seuil irrigue les plaines ; et l’eau franchit le pas ; déversant sa fougue ; en de grandes enjambées ; aux confins des limites.
Je ne limite rien. Ni le bord, ni le bond. Ni même le bout des choses. Je ne l’imite en rien, cette fin qui s’agite. Sans fin. Je ne lime ni les ongles ni les éclats du bois ; les échardes qui pointent, au bout de l’horizon ; je ne les extrais point, du futur qu’est mon front ; ni de la main – qui désigne – le terme – du chemin. Je ne l’imite en rien, cette parole, qui va. Cette parole, qui vient…
Et l’effet de seuil induit la saturation des sens ; qu’il y ait des orgasmes en plateau lorsque le corps du langage atteint le point limite ; ce point sublime dans les gorges du Verdon ; ce point suprême dans la gorge du poète, qui “communique l’incommunicable, réalise l’impossible, explore l’interdit” et “associe des idées lointaines et justes”(1), “beauté de l’étincelle, obtenue”.
Il y a des éclairs qui me dérivent, d’autres qui m’enflamment.
Je n’ai, pour seule reconnaissance, qu’un balbutiement de mots écharpés.
C’est par le seuil que j’atteins la limite, démesurée, d’une ombre.
C’est par
le seuil.

Daniel LEDUC

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(1) André Breton


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