vendredi 27 février 2009

CIELS D'HYPNOSE (1)


1
Tu t’appuies sur le tronc d’un chêne –
ton écorce
recouvre-t-elle
la nuit ?
À la lisière de l’aube
les lumières de la ville se confondent
avec le miroitement du ciel.
Tu t’appuies sur ton ombre –
n’y a-t-il d’enveloppant
que ce qui fuit ?
Tes gestes, là, sur cette parcelle de terre…
voilà des branches
agitées par
quels intervalles ?
La ville se reconnaît
aux échos qui la propagent.
Dans quelle vibration
t’enfonces-tu ?
Avec
quelles autres
veines ?
Les réverbères sont des
fûts /
remplis d’étoiles.

2
Sur ma tasse de thé
un nuage de lait dans le ciel.
Sur ma fenêtre
un autobus klaxonne
en direction du soir.
Sur d’autres temps
la neige se balance,
la ligne téléphonique
oscille –
ta voix pénètre,
qui ne traduit que quelques mots
caduques.
Combien de temps
de silence entre nous ?
Toujours
nous sommes à la périphérie des choses,
à pivoter sur
nous-mêmes.

3
« Les saisons mijotent dans la marmite »,
j’ai entendu cela ;
mes pas traînent
des algues
sur la grève ;
un cassoulet m’attend
comme m’attendent ton rire
tes varechs dans les mots.
La radio crépite
ainsi qu’autrefois ;
elle se suspend
– peut-être –
avant
que tu ne dises.

4
Il y a de la brebis dans le ciel,
du renard
dans l’horizon.
Le creux mange la terre,
où nous danserons tantôt.
J’ai sorti les poubelles
pleines de portes à claquer.
Tonnerre.
La percussion / battante.
C’est le trou qui nous parle de la guerre.
Absence
détonant

5
Faudrait-il écouter
tous les regards palabres,
tous les regards
taiseux –

Daniel LEDUC

----------------------------------
(1) Expression de Gaston Miron

samedi 7 février 2009

VOYAGE



Le train au fur et à mesure efface le paysage
et nous filons vers cet ailleurs
dans un espace au temps rapiécé,
la courbe du regard se joint à l’horizon
jusqu’à perdre la direction du sens,
nos mots se trompent eux-mêmes de conversation,
ta main se pencherait-elle par la fenêtre
si l’impossible pouvait s’ouvrir
telle une gueule d’ombre lacustre,
le désir d’en finir avec ce qui s’achève
de perpétuer la rosée jusqu’au soir,
d’en baver pour que l’envie demeure
jusqu’à la dernière salve de vie,
le train se démesure comme un dépaysage,
et nous pourchassons
ces bribes de souvenirs
pour en faire un patchwork
brossé de valses
de courants pélagiques,
et nous traquons
tous nos désirs rompus
jusqu’aux marées du soir,
la pluie est une sève tardive
nous dira le planteur
auprès de son âge,
et du miroir qui bruine,
et de toutes les tentations,
le train ne sifflera
qu’après s’être vidé
de toute forme de rythme,
et nous quittons nos vieilles nippes
nos discrètes allures
espérant s’équiper
des seuls élans qui vaillent,
les vieilles se chaussent encore
de chansons folkloriques,
même si le temps
est un rasoir,
de la perte du vide
nous n’y couperons pas,
le train s’emballe
à la pleine lune
le train s’emballe,
nous recueillerons des chiffres
des chiffons de fleurs
des chiffonnages d’oiseaux
calculerons
le monde,
calculerons l’incalculable
monde,
un homme suit la trace qui précède
c’est en cela qu’il pense
il ne trace que des brûlures
c’est en cela qu’il se révolte,
le train ne s’arrêtera qu’à la naissance
de l’horizon,
plus loin le continent
devient chimère,
et nous marchons
pour atteindre la marche,
gravir
un espace
qu’il nous porte à distance,
la femme se dicte
une pensée oblongue,
elle s’accroupit pour voir la cime,
l’espoir rutile
sur ses ongles,
le train
passera son temps,
et la marée
domine,
et l’éclat
se manifeste,
et la tornade
virevolte,
et les îlots
s’enlisent,
et le sang
palpite,
et la voix
explose,
le train divague
effaçant son propre terme… son propre terme… sa propre… voie…

Daniel LEDUC