dimanche 3 août 2008

GESTES DU JOUR (8)


Certaines femmes ont tellement de tendresse qu’elles donnent sans le savoir du sens à l’origine du monde.
Elles font vibrer les feuilles sur lesquelles s’inscrivent le printemps, et son Janus, l’automne.
Elles nous protègent des mauvaises directions ; nous insufflent, les forts courants d’air.
Ces femmes, prolongement de nos gestes. Elles nous propagent, dans les ondes.
Je sais bien qu’il y a des lendemains qui tombent ; mais dans chaque chute il y a du rebond, de la renaissance qui se prépare, des lendemains plus élastiques, des escalades possibles.
Et le regard d’une femme peut provoquer l’élan nécessaire à la suite.
Je sais bien que les mots s’abîment à l’air du temps. Mais la voix, la tonalité d’une femme a le pouvoir de ravauder les phrases ; et la parole peut alors se lancer à nouveau, à l’assaut des cataractes et des vagues. Je sais bien.
Certaines femmes lancent leur filet, comme on lance un cri d’espoir.

La ville, s’étendra-t-elle, jusqu’à la ville ?
Les chemins de terre, s’enterreront-ils, sous le bitume ?
Les haies, deviendront-elles, des parapets ?
Et le chant des feuilles, sera-t-il recouvert, par le klaxon du vent ?
Je vais à la rencontre de qui fourmille et de qui tremble. Du flageolement des pas. Des pensées vacillantes.
Les certitudes nous achèvent, bien plus que de raison ; et nous mourons de ne plus appréhender ce qui frissonne – ce qui chavire dans le regard du temps.
Je vais, au fond de mon jardin, accroître ce tas de feuilles, qui fera l’humus des jours prochains. Brûler toutes les brindilles. Planter les mauvaises herbes. Déraciner le vent.
Je vais me tordre, ainsi qu’une vielle branche, dans le rire du destin.

Mais le destin n’est qu’une pute dans un rêve cauchemardé. On la trousse cette catin, et l’on se fait baiser…
Je m’en vais à la recherche du peu ; du brin de la pointe du soupçon ; d’un nuage de lait, sur un ciel de café ; d’une rosée suspendue, au bord des saules pleureurs ; de la fente, par où, vivre encore, un temps. Ne serait-ce qu’une pause. Qu’un silence.

Mais le silence lui-même s’interpose aux silences. Et la paix n’est qu’un revers du tumulte qui gronde.
Là-bas, par delà les frontières, le chaos gagne ; la mort triomphe des appendices et des scolioses ; de la chair qui se dégrafe telle une gourgandine, ivre d’écume, de sperme, de cruors et de boyaux.
Je n’ai, dans ma besace, que quelques mots qui traînent ; oubliés des discours et des formules piquantes. Quelques mots sans vergogne, à faire rougir le fer, et pâlir la farine.
Je les jette aux galeux, aux bien-pensants qui graillent, ces mots orduriers ; qu’ils enflent leur panse, à faire péter leurs entrailles, dans un souffle raillant.
Seul le silence –
sait combien la vie –
est chair – à canon !

Daniel LEDUC


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