vendredi 21 novembre 2008

L’INACHEVÉ


Le café ruisselle dans ma gorge, la nuit suinte
entre les lignes…
Dehors tout est frissonnement de feuilles, oscillation
du temps…
J’ai ton corps dans ma peau, grain de beauté
du monde…
Ailleurs que tu sois, tu es ici
palpable…
L’immensité de l’aube serait-elle
un trou noir…
Le fragmentaire ferait-il
un présent…
J’ai bu ce qu’il fallait entendre
de l’éruption
vitale…
Ce qui fermente des oublis,
des lacunes…
Ta peau sera
la dernière page du livre…
Ma main,
le point de suspension…
À présent que la guerre se replie tout en se déployant ; à présent que les hommes tournoient sur leurs propres manèges ; à présent que le ciel s’alourdit d’hydrofluorocarbures ; à présent que les riches thésaurisent, que les pauvres s’appauvrissent ; à présent que le passé s’empile, sans jamais devenir présent ; la Terre n’est plus ni carte, ni continent ; mais source de réfraction, pour qui veut penser les plaies, augmenter les attelles, réduire les fractures – que le silence tempête enfin, soulevant l’étincelle.
Le café ouvre ses portes
sur la marée montante…
De la terrasse on imagine
le bouillonnement des astres…
Ton vagin est un repli
où l’ombre s’illumine…
Mon regard sera toujours
dans l’angle du feu…
Le crépuscule n’est qu’un terme
qui commence avec l’oubli…
Et ce sont des morceaux de phrases
qui tissent notre avenir…
J’ai trinqué au sperme du jour,
à la cyprine des nuits…
Ta peau est une feuille
qui se tourne
héliotrope…
La marée –
c’est une pensée
à l’innombrable écho…
Le corps de la Terre se fissure par l’agitation des Hommes ; des brumes se lèvent, naguère somnolentes, en concordance avec le crachin de la mer ; tout tangue en des lieux immobiles, tout s'endigue sur la crête des vagues ; le corps de la Terre exsude un trop-plein d’immondices ; et de ses splendeurs nous peignons nos yeux, avant, qu’aveugles, ils ne pleurent la lumière.
Au bar de la tempête
des éclats de voix
se grisent…
Recouvreront-ils
les fulgurances du temps…
J’embrasse ton corps, tes ombres,
ce qui te constitue…
De ton regard je ne vois
qu’une houle
pensive…
Le soir n’est qu’un terme
qui tombe
comme un cheveu…
Ce ne sont que des mots
dont nous vêtons
nos rêves…
J’ai mordu dans le feu
à m’en faire
crisser les dents…
Le jusant
n’est qu’un flux…
de mémoire…
La beauté quelle qu’elle soit retient le souffle, les saisons ; et le temps n’a rien à mettre, au regard de ce qui flamboie : la Terre se dévêt, encore la nudité n’est-elle qu’un autre voile ; nous passons près des miroirs, n’en cueillons qu’un reflet ; la beauté nous confectionne, nous enveloppe de ses lueurs ; chaque aube est un savoir qui se détisse, qu’il nous faut ravauder ; la Terre, c’est ainsi qu’on la nomme, alors même qu’il faut crier.
Le bar frétille encore
dans la poêle
incendiaire…
N’y a-t-il
que peau, que chair,
qu’arêtes
pour grésiller ainsi…
Et ton amour
ne serait-ce pas friture…
Crépitement de mots imprévus…
C’est un crépuscule qui nous crée,
qui nous hypnotise…
C’est un ventre
dont nous sommes,
la paroi et le muscle…
Je crache le feu –
comme on crache
dessus les toits…
Les livres croissent avec les arbres ; le hasard nous crée dans sa nécessité ; et nos gestes sont des branches, agitées par des rafales ; de si loin nous venons nous dire des contes improbables ; et nous comptons sur des forces pour épuiser nos doutes, sur des marches pour accéder au pas ; sur l’avenir nous comptons, ainsi qu’on énumère tous les possibles, et leurs autres figures ; ouvrons nos portes et nos livres, que le souffre s’empare !
Le lieu s’agite aussi
lorsque nous
quittons…
Tes paroles
sont alors
des traces
dans l’impossible…
Ton corps me restitue…
Le soir
qui chutera
comme un automne…
Le ventre
où s’égrènent
toutes les soifs…
Le feu
qui ne retient…
que l’ombre…
La mort, ce n’est pas le miroir ni la vitre ; ce n’est qu’un terme qui se suspend ; et nos lèvres ne prononcent qu’un écho, sans jamais en connaître la source, ni les parois qui le projettent ; nos lèvres s’entrouvrent comme on baye ; et toutes les corneilles s’échappent d’entre nos dents ; et sur la langue ne reste qu’un miroir ; qu’une vitre ; nous séparant du temps.
Le milieu où s’agitent
le centre et son pourtour…
Tout ce qui se nomme
en étant anonyme…
Ton corps,
comme une exacte
incertitude…
Et puis le soir,
sombre
exigence…
Qu’illumine
le feu,
bondissant
d’autre part…
L’étranger vient de cet autre lieu, où nous allons, par son regard ; il demeure dans des pensées, dont nous sommes le miroir, comme il reflète nos propres réflexions ; et la danse le chant qu’il envisage, sont nos propres pas et paroles, dans un autre tempo ; c’est à son murmure que l’on reconnaît la rigole qui parcourt nos prés ; et sa main se pose, comme l’hirondelle qui paraît-il, fait le printemps ; l’étranger chaque matin, se réveille là, au cœur du miroir ; alors même que l’on se peigne, se maquille, ou se rase ; face à l’asymétrie ; du temps.
Il y a des lieues,
des lustres –
des insondables…
Toujours plus loin,
ta peau reste
et demeure…
La nuit,
est-ce-t-elle
qui nous franchit…
Par le flambeau
de ce qui sème…
Derrière la face est la figure, la nudité des sens ; nous voyons ce qui sépare, trop souvent nous voyons ; ce qui retient s’échappe ; et le temps nous transfigure.
Il y a des lustres…
Ton corps s'embrase…
Lueur dans l’aube…
Et cette nudité, pourquoi est-elle soudaine.
Ton corps s'attise…
Le jour
se déboutonne…
Dépouillement, dans un silence aigu.
Ton
corps…

Daniel LEDUC

1 commentaire:

Anonyme a dit…

j'ai lu jusqu'au bout
cordialement