samedi 7 février 2009

VOYAGE



Le train au fur et à mesure efface le paysage
et nous filons vers cet ailleurs
dans un espace au temps rapiécé,
la courbe du regard se joint à l’horizon
jusqu’à perdre la direction du sens,
nos mots se trompent eux-mêmes de conversation,
ta main se pencherait-elle par la fenêtre
si l’impossible pouvait s’ouvrir
telle une gueule d’ombre lacustre,
le désir d’en finir avec ce qui s’achève
de perpétuer la rosée jusqu’au soir,
d’en baver pour que l’envie demeure
jusqu’à la dernière salve de vie,
le train se démesure comme un dépaysage,
et nous pourchassons
ces bribes de souvenirs
pour en faire un patchwork
brossé de valses
de courants pélagiques,
et nous traquons
tous nos désirs rompus
jusqu’aux marées du soir,
la pluie est une sève tardive
nous dira le planteur
auprès de son âge,
et du miroir qui bruine,
et de toutes les tentations,
le train ne sifflera
qu’après s’être vidé
de toute forme de rythme,
et nous quittons nos vieilles nippes
nos discrètes allures
espérant s’équiper
des seuls élans qui vaillent,
les vieilles se chaussent encore
de chansons folkloriques,
même si le temps
est un rasoir,
de la perte du vide
nous n’y couperons pas,
le train s’emballe
à la pleine lune
le train s’emballe,
nous recueillerons des chiffres
des chiffons de fleurs
des chiffonnages d’oiseaux
calculerons
le monde,
calculerons l’incalculable
monde,
un homme suit la trace qui précède
c’est en cela qu’il pense
il ne trace que des brûlures
c’est en cela qu’il se révolte,
le train ne s’arrêtera qu’à la naissance
de l’horizon,
plus loin le continent
devient chimère,
et nous marchons
pour atteindre la marche,
gravir
un espace
qu’il nous porte à distance,
la femme se dicte
une pensée oblongue,
elle s’accroupit pour voir la cime,
l’espoir rutile
sur ses ongles,
le train
passera son temps,
et la marée
domine,
et l’éclat
se manifeste,
et la tornade
virevolte,
et les îlots
s’enlisent,
et le sang
palpite,
et la voix
explose,
le train divague
effaçant son propre terme… son propre terme… sa propre… voie…

Daniel LEDUC


Aucun commentaire: